Gameblog : Le monde la fantasy traditionnelle a été utilisé à de nombreuses reprises dans les J-RPG depuis la création du genre. N'est-il pas difficile de ne pas se répéter en écrivant et en composant de nouveaux thèmes pour une nouvelle histoire dans ce contexte si familier ?

Kazushige Nojima (scénariste) : La partie la plus difficile n'est pas tant l'univers mais le genre du J-RPG en lui-même. Les héros grandissent au fil des combats et deviennent plus forts, puis combattent de puissants ennemis et, finalement, sauvent le monde. Il est difficile d'éviter une formule aussi marquée tout en créant de toutes nouvelles histoires. Mais je vais vous donner un exemple : il existe d'innombrables groupes de musique composés d'un chanteur, d'un guitariste, d'un bassiste et d'un batteur. Mais bien que la composition de ces groupes soit similaire, de nouvelles musiques sortent constamment, et ce milieu continue d'évoluer. Parmi ces nouvelles musiques, il y a peut-être des chansons qui changeront le monde. Mon travail est similaire. Il y a toujours une possibilité de faire quelque chose d'innovant, et j'espère être celui qui la trouvera.

Hitoshi Sakimoto (compositeur) : Ce n'est pas difficile de sortir des sentiers battus. Toutes les idées peuvent fonctionner, même les plus étranges, tant qu'on fait attention aux priorités. Le problème, c'est que la plupart des gens n'aiment pas prendre des risques (par exemple, nos investisseurs) et ne nous permettront pas cette liberté : ils veulent simplement que nous suivions la voie habituelle. C'est pourquoi il nous parait important de ne pas suivre la voie "classique", sans pour autant prendre de risques. Cependant, la norme n'est pas totalement négative, quand on y pense.

Tout comme dans le monde l'édition de mangas, les occidentaux reprennent désormais à leur compte le modèle bien établi du J-RPG : quel regard portez-vous sur ce genre très codifié ? Quelles idées originales n'auraient pas pu voir le jour dans un jeu développé directement au Japon ?

Julien Bourgeois (réalisateur) : Effectivement, c'est un genre très codifié, mais qui a su grandement évoluer à chaque nouvelle génération de consoles et de joueurs. Final Fantasy en est un exemple parfait. Entre les premiers titres et les plus récents, les jeux n'ont plus rien à voir dans leurs mécaniques. La chance que l'on a chez Artisan Studios, c'est de pouvoir apporter une expérience de joueur et une expérience professionnelle qui mélangent plusieurs influences. Même s'il y a de plus en plus de développeurs occidentaux au Japon, cela reste minoritaire, alors que chez nous ce multiculturalisme est à la base du projet. Je ne sais pas si nous avons eu des idées qui n'auraient pas pu voir le jour au Japon à proprement parler, mais je pense que nous avons réalisé un jeu qui retranscrit les influences riches et variées de l'équipe.

Justement, monsieur Nojima, vous avez travaillé sur la série Final Fantasy après la transition des décors traditionnels vers des décors plus contemporains ou exotiques. Comment avez-vous abordé l'histoire d'Astria Ascending ? Votre expérience de travail sur des mondes contemporains a-t-elle changé votre façon de raconter une histoire ?

K.N. : Je pense qu'à travers le mot "contemporain" vous parlez des machines complexes, des armes et des bâtiments modernes, des réseaux, etc. En ce qui me concerne, mon travail consiste à faire en sorte que le monde ne soit pas trop moderne. Dans un monde avancé (un monde avec des systèmes de transport et de communication développés), les gens n'auraient pas besoin de voyager, et se battre avec des épées ou de la magie n'aurait aucun sens. L'équilibre est donc important. Je pense que la variété des graphismes et des combats permettent de rendre l'histoire splendide, tout en introduisant un cadre contemporain, mais je suis toujours prudent sur cette question.